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Analyse 1 (2017). La Syrie : une case sur l'échiquier géopolitique mondial

                            Paix et Justice au Moyen-Orient

                                            STRASBOURG, le 02 janvier 2017

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         La Syrie : une case sur l'échiquier géopolitique mondial



Le Moyen-Orient et l'Asie Centrale forment un grand échiquier où les grandes puissances militaires occidentales et orientales jouent une partie nommée le «Grand jeu» depuis 1808, sinon plus si on intègre la Chine, l'Inde et l'Indochine.

La guerre meurtrière actuelle au Proche et au Moyen-Orient trouve son origine dans des conflits vieux de plusieurs siècles et provoqués  par des puissances militaires occidentales pour la domination du monde : ces conflits risquent malheureusement de durer longtemps encore.

Un rappel succinct de la situation politique de l'Asie nous apprend que, tout au long des siècles précédents et au cours d'une partie du vingtième siècle, les peuples de grands pays comme la Chine et l'Inde ont subi le plus brutal colonialisme occidental (Britannique, américain, français, portugais, hollandais, etc.) de leur histoire. Une domination accompagnée de pillage, de sauvagerie et de tueries innommables.

Deux exemples : Lors de la rébellion de 1858 contre le colonialisme britannique, des centaines d'insurgés indiens furent pendus ou ligotés à la bouche des canons et «volatilisés». «Le 16 mars 1968, des GI massacrent en quatre heures 504 civils vietnamiens sans défense, hommes et femmes, enfants et vieillards

Les puissances coloniales ont partagé la Chine comme s'il s'agissait d'un gâteau. Hong Kong est devenue colonie britannique en 1842, rétrocédée à la Chine, 155 ans plus tard, en 1997. De même, le Portugal arracha Macao à la Chine en 1513 qui lui fut rétrocédé 486 ans plus tard, le 20 décembre 1999. La Chine elle-même accéda à la souveraineté politique en 1949, après la chute du Kuomintang, le parti dirigé par Tchang-kaï-chek, soutenu militairement par les Etats-Unis.
   
Tchang-kaï-chek et sa cour, protégés des Américains, se réfugièrent à Taïwan, l'ile chinoise, qui continue à vivre, de nos jours, sous le «parapluie» américain.

Commencée en 1765, la conquête de l'Inde s'acheva en 1858. L'Inde fut la colonie la plus rentable des Britanniques. En effet, «la conquête de l'Inde n'a pas coûté un sou à l'Angleterre, car c'était l'Inde elle-même qui devait en supporter les frais.» La conservation de l'Inde des convoitises russes fut à l'origine du «Grand jeu» anglo-russe pour la possession de l'Asie Centrale où l'Afghanistan figure comme la pièce centrale.

Dates clés du réveil des pays asiatiques millénaires

L'Inde accéda à l'indépendance en 1947, il y a 70 ans. C'est le début du réveil de l'Asie et du reflux de l'influence politique et militaire des puissances colonialistes occidentales. La victoire de la révolution chinoise en 1949, suivie de celle du Vietnam en 1975, de l'Iran en 1979, renforcèrent la marginalisation de l'influence politique de l'Occident en Asie, achevant l'accès à la souveraineté politique de puissances asiatiques millénaires.

La victoire de la «révolution islamique» d'Iran en 1979 renforça l'élan anticolonialiste donc antioccidental, des peuples arabo-musulmans. A tel point que certaines «milices sunnites» formées et financées par l'Arabie saoudite, «amie» servile de l'Occident, se sont retournées contre leur mentor wahhabite. C'est le cas d'une fraction d'Al-Qaida et de Daech, (acronyme arabe de «l'Etat islamique» (EI)) qui mobilise, actuellement, contre lui une coalition internationale.
      
Envahi par l'URSS le 27 décembre 1979, l'Afghanistan, la «pièce centrale» du «Grand jeu», retomba en 2001 dans l'escarcelle des Etats-Unis. C'est la preuve que l'Occident, mené par les Etats-Unis, reste encore La puissance politique, militaire et financière du globe !

La position stratégique de l'Afghanistan permet aux Etats-Unis de surveiller les voies maritimes stratégiques du Golfe Persique, de la mer d'Oman et les voies de communications de leurs adversaires : la Chine, la Russie, l'Iran et l'Inde.

Le «Grand jeu» se poursuit

Depuis 2003, date d'invasion de l'Irak par les armées américaine et britannique, le «Grand jeu» se poursuit au Proche et Moyen-Orient, fauchant la vie de centaines de milliers de civils, dévastant des pays et territoires comme l'Irak, la Syrie, la Palestine et le Yémen.

Les objectifs de cette guerre sont un classique des guerres coloniales : conquérir de nouvelles zones géostratégiques, installer des bases militaires, piller les ressources, en particulier énergétiques, et contrôler les voies de communication afin de contenir et affaiblir les adversaires des puissances colonialistes occidentales, en particulier les Etats-Unis.

Ce «Grand jeu» mobilise, sous la baguette de l'OTAN, plus d'une soixantaine de pays dont l'Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar, la Jordanie, Israël, pour ne citer que les plus actifs d'entre eux. Ils sont regroupés au sein d'un «Centre d'opération militaire» (MOM en turc), une structure de coordination militaire du sud de la Turquie où siègent les principaux partenaires de djihadistes venus du monde entier.

Les puissances orientales (La Russie, l'Iran, la Chine et leurs soutiens) mobilisent également des moyens colossaux - des miliciens de toutes les nationalités (Libanais, Afghans, Pakistanais, Iraniens), sous l'égide des instructeurs iraniens - et sont plus que jamais déterminées à gagner une guerre liée à leur survie (nous avons développé ce point de vue dans nos précédentes analyses).

Test en réel de matériel de guerre

Les puissances militaires engagées testent leur matériel sur les champs de guerre, pour mieux, ensuite, les vendre. Les Russes et les Français sont fiers de leurs bombardiers qui détruisent et massacrent à tour de bras. «La France a désormais largué plus de bombes en Irak qu'en 2011 en Libye». De leur côté, les milices chiites, soutenues par Téhéran, se font remarquer par «des jeep Safir, fabriquées par l'entreprise iranienne Fath Vehicle Industries, surmontées de canons sans recul et de missiles Toophan, la copie iranienne de missiles antichar Tow américain». (Le Monde du 9/12/2016).

Le cas turc

Il est à souligner que les alliances militaires se font et se défont au gré du changement des rapports de force sur le terrain. La France, opposée à l'invasion de l'Irak, s'est ensuite alignée sur les positions américaines.

Prise de panique par le soutien militaire et politique des Russes et des Iraniens apporté aux combattants kurdes syriens, - ainsi que par le projet américain de dépecer les grands pays comme la Turquie dans le cadre du projet néoconservateur de créer le «Grand Moyen-Orient» - la Turquie, «pièce maîtresse» de l'OTAN en Syrie et soutien de djihadistes de tout poil, s'est, peu à peu, éloignée des Etats-Unis et rapprochée de l'axe Russie-Iran.

Le souhait de la Turquie : empêcher la formation d'une entité autonome kurde au Nord de la Syrie.

Il semble bien que le nouvel axe Russie-Iran-Turquie a enrayé la machine infernale du projet néoconservateur de création d'entités ethniques et confessionnelle.

L'échec du projet néoconservateur en Syrie, suivi de la marginalisation des Etats-Unis, expliqueraient-ils l'offensive anti Poutine d'Obama ? La question mérite d'être posée.

En guerre intense depuis 2001 au Moyen-Orient, en Afrique et rongées par la crise financière de 2007-8, les armées occidentales sont en train de décrocher et commencent à manquer de personnels, d'armes et de munitions en tout genre.

Selon Pierre de Villiers, le chef d'état major, «Des tenues de combat aux hélicoptères, il manque 17 milliards d'euros pour soutenir les opérations actuelles».

Quant à l'armée britannique, elle a déjà épuisé ses hommes et ses matériels. Les pays colonialistes s'endettent, s'épuisent dans des guerres interminables. Même épuisés, ils continuent à faire la guerre, espérant que l'adversaire s'écroulera avant.

L'OTAN, les «insurgés» syriens, les djihadistes wahhabites, leurs mentors du Golfe Persique et la Turquie sont les grands perdants sur l'échiquier syrien. Le prochain coup se jouera-t-il à Astana au Kazakhstan ?

La Syrie n'est qu'une case sur le grand échiquier géopolitique mondial; or un échiquier compte 64 cases. Force est de constater que la lutte anticolonialiste et les guerres "inter-impérialistes" ne connaîtront pas de répit !