21.8.16

Analyse 10 (2016). Alep, centre névralgique de la guerre entre puissances

Paix et Justice au Moyen-Orient
STRASBOURG, le 21 août 2016

                
                    Alep, centre névralgique de la guerre entre puissances
                 La Turquie a-t-elle lâché ses protégés djihadistes à Alep ?

Selon un diplomate européen "sans les Russes et sans les milices pro-iraniennes, l'armée syrienne ne peut rien faire".
      
Nous pouvons dire la même chose de la "rébellion syrienne" : sans l'arrivée massive de djihadistes venus du monde entier via la Turquie, la base arrière de la rébellion dite syrienne, ainsi que le soutien massif financier et militaire de l'Occident mené par les Etats-Unis et leurs milices locales "la coalition islamiste Fatah Halab (la conquête d'Alep"), le groupe salafiste armé "Ahrar Al-Cham", le "Front Al-Nosra", une franchise d'Al-Qaida rebaptisée "Front Fatah Al-Cham", un pilier de la coalition Jaïche Al-Fatah, tous soutenus par les pays "amis" des Etats-Unis, l'Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie, Israël, la guerre en Syrie et le massacre de civils seraient terminés depuis longtemps.
 
A ceci, il faut rajouter la présence officielle de 5000 militaires américains en Irak qui prêtent main forte aux "Forces démocratiques syriennes" (FDS), une alliance dominée par les combattants kurdes, leur milice locale en Syrie et la milice de l'ancien gouverneur de la province de Mossoul, Atheel Al-Noujaifi, financée, équipée et entraînée par la Turquie. «Un détachement de l'armée turque fort de plusieurs centaines d'hommes est entré en Irak pour s'installer à Bachika, où il entraîne les hommes d'Atheel Al-Noujaifi.»
 
Nous voyons bien qu'en plus des milices à la solde des puissances mondiales et régionales, celles-ci envoient leurs propres détachements militaires sur le terrain en Irak et en Syrie.
  
Les guerres en Irak et en Syrie sont étroitement liées, impliquant des puissances militaires mondiales et régionales à la recherche de zones d'influence, de bases militaires, de marchés, de voies de communications terrestres, aériennes, maritimes ainsi que de voies d'acheminement du gaz et du pétrole et d'accès à la mer.
Le diplomate européen n'est pas seul dans son "analyse" unilatérale. Selon Suheir Atassi, membre de l'opposition syrienne au sein du Haut Comité des négociations (HCN) : "la solution à la crise en Syrie passe par l'éviction de l'Iran". (Le Monde du 10 août 2016).
  
Monsieur Atassi n'ignore sûrement pas la portée internationale de la guerre en Syrie et en Irak. Il roule pour ses protégés occidentaux et soutiens saoudiens et autres turcs et qataris. En effet, pour représenter le HCN, il doit passer par  le MOM, une structure de coordination hébergée dans les bases militaires du sud de la Turquie, où siègent les principaux partenaires des "rebelles" syriens (Arabie saoudite, Qatar, Turquie, France, Royaume-Uni, etc.), sous la baguette de la CIA.
  
Depuis peu, la guerre pour la prise d'Alep est entrée dans une phase décisive. Des fronts se fissurent (la Turquie et l'Arabie saoudite s'opposent aux choix de leur parrain américain) et de nouvelles alliances se forment : l'Arabie saoudite se rapproche d'Israël. En effet, selon la presse du mois de juillet 2016, Anwar Eshki, un général saoudien et conseiller familier de la monarchie, s'est rendu en Israël. Dans quel but ? Pour créer, entre autres, une alliance contre le développement de l'influence iranienne au Moyen-Orient (une alliance qui passerait par la reconnaissance de l'État d'Israël)?  Comment ? En augmentant le soutien aux djihadistes wahhabites ? Ou en soutenant l'instabilité aux frontières iraniennes ? Ou les deux à la fois ? Le mutisme est de mise ! Nous verrons les conséquences sur le terrain.
  
Tandis que la Turquie, inquiète du soutien des Etats-Unis aux Kurdes syriens, se rapproche de l'axe Russie-Iran. En effet, les Etats-Unis souhaitent la création d'une entité kurde au sud de la Turquie. Les Kurdes syriens sont regroupés au sein des "Unités de protection du peuple" (YPG), la branche armée du "Parti de l'union démocratique" (YPD).
  
Pour mémoire : l'opposition frontale de la Turquie et de ses "amis" saoudiens et qataris au régime de Bachar Al-Assad, leur soutien aux djihadistes et à l'Etat islamique (EI), ont provoqué l'indulgence, voire le soutien (politique et militaire) de la Russie et de l'Iran aux combattants kurdes de Syrie, alliés du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie. Le 14 mai 2016, les combattants kurdes ont abattu un hélicoptère Cobra de l'armée turque à l'aide d'un "système portatif de défense aérienne" (Manpad), de fabrication russe, dans la province d'Hakkari.
   
Sous la protection des bombardiers américains, les combattants Kurdes ont considérablement étendu leur territoire, avançant un pas de plus vers la création de l'entité kurde au nord de la Syrie, le cauchemar de la Turquie qui ne cesse de critiquer son "ami" américain.
  
Le rapprochement de la Turquie avec la Russie et l'Iran sur la question kurde signe-t-il le revirement de la Turquie (menacée de partition) sur Alep ? En un mot, la Turquie, base arrière des djihadistes, arrêterait de les soutenir à Alep et les Russo-iraniens prendraient leur distance d'avec les kurdes de YPG ? L'armée syrienne et les milices qui la soutiennent mettraient la main sur Alep et la Turquie échapperait, pour l'instant, à la partition.
  
Toujours est-il que la visite d'Erdogan à Saint-Pétersbourg, mardi 9 août, aura des conséquences sur le cours des événements à Alep et en Syrie. Ladite visite a été suivie par celle, qualifiée de "surprise", du ministre turc des affaires étrangères à Téhéran.
   
Question : le bombardement, le 18 août 2016, des positions kurdes dans la ville mixte d'Hassaké, située au nord est de la Syrie, par l'aviation syrienne, serait-il la première conséquence de la visite d'Erdogan-Poutine ?
   
Malgré le survol du ciel d'Hassaké par l'aviation américaine, les combats y font actuellement rage. Parallèlement, les bombardements des "rebelles" syriens ont augmenté d'intensité depuis que les bombardiers Tupolev 22 décollent, depuis mardi 16 août 2016, de la base aérienne de Hamadan, située à l'ouest de l'Iran. Autant de signes qui font penser à un revirement des positions de l'État turc (sur la Syrie) qui n'exige plus le renversement de Bachar Al-Assad !
   
La bataille d'Hassaké serait-elle suivie de celle de Touz Khormatou, une autre ville du nord syrien, partagée entre combattants Kurdes et chiites ? C'est la bataille post-Alep qui se profile à l'horizon, annonciatrice d'exacerbation des tensions aux frontières coréennes, ukrainiennes, ou ailleurs. A suivre.