26.3.11

Analyse 6 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 26 mars 2011

cpjmo@yahoo.fr


Halte à l’irakisation de la guerre en Libye


(Discours prononcé le 26 mars 2011 à Strasbourg, place Kléber, à l’occasion du rassemblement de soutien à l’insurrection libyenne)

Au cinquième jour des frappes aériennes contre la Libye, commencées le 19 mars 2011, une nouvelle étape vient d’être franchie par les puissances colonialistes. Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne sont parvenus, mardi 22 mars, à un accord sur le commandement des opérations en Libye. Désormais, c’est l’OTAN qui prend en charge les frappes aériennes.

Cette étape marque la volonté des puissances colonialistes à mettre la Libye à genoux, comme ce fut le cas de l’Irak. L’immense réserve de pétrole et la position géostratégique de ce pays au Nord de l’Afrique attisent toutes les convoitises.

«Paix et Justice au Moyen-Orient» soutien sans réserve l’insurrection du peuple libyen contre le régime dictatorial de Kadhafi. Mais, il n’approuve aucunement l’agression des puissances occidentales contre la Libye, pays souverain. Pour «Paix et Justice au Moyen-Orient», l’agression contre la Libye est de même nature que celle qui a conduit à l’invasion de l’Irak et à la mainmise des compagnies pétrolières américaines sur ses ressources.

Avant le déclenchement de la guerre en Irak, nous, progressistes, démocrates et anticolonialistes, nous nous sommes révoltés et appelé les Strasbourgeois à manifester place Kléber contre l’agression de l’Irak, pays souverain, par une coalition de puissances occidentales, assoiffées de pétrole, à la recherche de positions géostratégiques.

Nous étions conscients de la nature criminelle de Saddam Hussein. Nous savions que l’armée irakienne, sous les ordres de son dictateur, avait gazé Halabja, village martyre kurde, faisant des centaines de morts. Mais, nous étions conscients que derrière les paroles en faveur des «Droits de l’Homme» avancés par les puissances occidentales, se cachaient de sinistres et bas intérêts colonialistes.

Tout en condamnant Saddam Hussein et son régime criminel, nous avons défilé à Strasbourg contre l’invasion de l’Irak et plus tard contre celle de l’Afghanistan, un autre pays souverain, même si nous avons condamné avec fermeté les deux régimes.

Il n’y a aucun doute sur la nature dictatoriale et criminelle du régime de Kadhafi. Mais, l’agression qui vise la Libye, est une agression colonialiste et personne n’est dupe du caractère hypocrite des puissances occidentales qui interviennent au sol, tuent des soldats et les civils au cours de bombardements aveugles effectués à distance. Il s’agit bel et bien d’une guerre contre un pays qui n’a pas attaqué, ni la France, ni aucun autre pays. Cette guerre soi disant humanitaire est totalement en dehors de la doctrine militaire française telle qu’elle a été élaborée, en particulier par le Livre blanc sur la défense en 2007*.

Demain, serons-nous témoins de l'agression de la Syrie et de l’Algérie?

Certains intellectuels français, animés par des sentiments humanistes, ne voient malheureusement pas l’arbre de l’agression contre un pays souverain qui cache mal les intentions colonialistes. Ils se mettent au même niveau que Bernard-Henry Lévy et Bernard Kouchner, défenseurs acharné du colonialisme à visage humain.

Chers amis, chers camarades, évitons de tomber dans le piège humanitaire, tendu par les puissances occidentales et finir par nous transformer en défenseurs de l’ordre criminel colonialiste.

*Jean-Christophe Rufin, écrivain, ancien ambassadeur de France à Dakar (2007-2010)- Le Monde du 24 mars 2011.

19.3.11

Analyse 5 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 19 mars 2011

cpjmo@yahoo.fr

Libye : odeur du pétrole et

colonialisme à visage humain

Non à l’ingérence colonialiste en Libye

Les systèmes politiques des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont restés figés au Moyen-âge. Pays au sous-sol riche en pétrole, gaz et autres richesses minières, avec des jeunesses instruites et des peuples avides de libertés, pourtant soumis aux régimes dictatoriaux et corrompus.

La durée de règne des potentats se compte par décennies et le relais passe, dans certains cas, au fils du dictateur (la Syrie). Le fils de Moubarak a eu moins de chance : le papa a été évincé avant l’heure. Moubarak est parti, mais son régime pro-occidental et mafieux est resté en place. Tous les régimes baasistes, socialistes arabes ou nasséristes, installés à la suite de coups d’Etat qualifiés de «révolutionnaires», se sont transformés en dictatures sanguinaires et fascisantes, perdant leur légitimité. La disparition du monde bipolaire les a rendus fragiles, exposés à l’avidité des puissances occidentales, avides de pétrole, de gaz et de position stratégique.

L’Egypte, pays souverain, a été absorbée par l’Occident suite à deux défaites qui lui ont été infligées par l’armée israélienne. L’Irak, pays indépendant, a été envahi par l’armée américano-britannique qui, en chassant la France et la Russie, ont mis la main sur sa richesse pétrolière et l’ont transformé en base militaire en plein Moyen-Orient.

Il est à souligner que toutes les interventions militaires occidentales se font au nom de «défense des droits de l’homme». En Afghanistan, l’idéologie nauséabonde des talibans désarme les anticolonialistes du monde qui n’arrivent pas à mobiliser la population contre les visées expansionnistes des puissances colonialistes. La dictature sanguinaire de Saddam Hussein a ouvert un boulevard devant les militaires occidentaux qui ont reconquis le pays en quelques semaines, causant des dizaines de milliers de victimes et freinant son développement naturel.

Le même scénario est en train de se répéter en Libye. Pays riche en pétrole, dirigé d’une main de fer par le clan Kadhafi, qui fait saigner la Libye, le pays est menacé d’implosion. Les aspirations démocratiques de la population, associées aux conflits d’intérêt d’ordre tribal, ont semé le chaos que le clan au pouvoir tente de régler à coup de canon.

Les puissances occidentales ont vite senti la fragilité du pouvoir libyen qui s’est transformé en proie facile à attraper. Les navires de guerre occidentaux sillonnent au large des côtes libyennes, tandis que les militaires et autres membres des services de renseignement, pour des motifs soi-disant «humanitaires», interviennent sur le sol libyen.

La cruauté de l’armée libyenne, armée par l’industrie d’armement occidentale, désarme les anticolonialistes qui peinent à mobiliser contre la nouvelle aventure colonialiste occidentale en Libye.

Nous ne pouvons pas soutenir un dictateur qui opprime son peuple. De même, nous ne pouvons pas soutenir ces nouveaux missionnaires de la croisade pour les «droits de l’homme» qui, sous prétexte de défense de la «population sans défense», visent à remettre la main sur la richesse pétrolière, gazière et la position géostratégique d’un pays souverain.

L’hypocrisie des puissances occidentales n’a pas de limite. Elles laissent le champ libre à l’armée israélienne qui commet des crimes de guerre au vu et au su de la «communauté internationale» en Palestine. Elles soutiennent Israël colonialiste qui ne respecte aucune résolution de l’ONU. Elles encouragent en sous main l’intervention de l’armée saoudienne qui écrase les aspirations légitimes des Bahreinis opprimés. Mais elles s’époumonent devant la seule dictature libyenne. L’Occident pratique toujours deux poids, deux mesures et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer d’attitude.

Le pétrole, le gaz, les minerais et main d’œuvre bon marché : voici les arbres qui cachent mal la forêt des convoitises des puissances occidentales animées plus que jamais par un colonialisme à visage humain.

Dans sa croisade pour le pillage des richesses des pays africains ou moyen-orientaux, l’Occident est soutenu par nombre de ses intellectuels, philosophes (André Glucksmann, Bernard-Henry Lévy, Bernard Kouchner) et autres anciens révolutionnaires à la sauce Cohn Bendit, réunis dans un collectif colonialiste, dont l’intervention médiatique crée une caution de légitimité à l’agression néocolonialiste. Les Lagardère et Dassault, trusts militaro-industriels, se frottent les mains.