6.2.10

Analyse 2 (2010)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 06 févier 2010


cpjmo@yahoo.fr


Pourquoi les pays occidentaux, la Chine et la Russie craignent-ils la démocratisation en Iran?


En se référant aux prises de position officielles des dirigeants des états occidentaux (B. Obama, N. Sarkozy, G. Brown, A. Merkel, etc.) d’aucuns pensent que les gouvernements occidentaux soutiennent le mouvement démocratique actuel en Iran.

Qu’en est-il vraiment?


D’abord un rappel pour rafraichir la mémoire. La guerre pour «répandre la démocratie» au Moyen-Orient de Georges Bush s’est soldée par l’occupation violente et illégale de l’Irak, pays détenteur d’un des gisements les plus importants et les plus rentables au monde. Il s’agit bel et bien d’un hold up sur la richesse pétrolière d’un pays souverain. Pour des raisons analogues, l’Afghanistan, rempart de l’hégémonie mondiale de l’Occident, a été occupé.


Le pouvoir occupant a installé une démocratie de façade, aux mains des mafias et autres narcotrafiquants à la colombienne. Chaque jour, la violence colonialiste continue de tuer des dizaines de citoyens irakiens et afghans. La violence colonialiste s’est même déplacée au Pakistan où les drones et militaires américains massacrent les civils.


Pourtant, les populations des pays arabo-musulmans, «amis» de l’Occident, ont pris Georges Bush au mot et ont déclenché de timides mouvements démocratiques en Égypte et en Arabie saoudite. Ils ont été vite réprimés, au nom de la «lutte contre le terrorisme». Le calme (la dictature fasciste) règne comme avant dans les pays «amis», de Gibraltar au Golfe persique.


Pour la énième fois, les Américains- et leurs consorts européens- ont montré que, comme dans les années de plomb en Amérique Latine, le caractère dictatorial des régimes «amis» de l’Occident au Moyen-Orient est mieux adapté à leurs intérêts stratégiques.


En effet, l’introduction d’une dose de démocratie- qui ferait participer au gouvernement des éléments souvent critiques et incontrôlables - risque d’affaiblir la position dominante des États-Unis dans lesdits pays. L’exemple du Liban est devant nous. L’opposition mène la vie dure à la majorité, à la solde de l’Occident, qui est obligée de composer avec la minorité et ses amis syriens ou iraniens pour la composition du gouvernement. Le dernier gouvernement fut mis en place, quatre mois après la fin des élections législatives. Contrairement à Égypte, à l’Arabie saoudite ou à la Jordanie, la marge de manœuvre de l’Occident au Liban, est réduite.

Les Américains peuvent-ils avoir une position différente par rapport à la démocratie iranienne? Imaginons un instant la victoire de la démocratie en Iran, qui se traduirait par la naissance d’un pays disposant des libertés d’élection, de la presse, de réunion, etc. Dans un tel pays, les discriminations homme-femme, religieuses et ethniques céderaient le pas à l’entente entre tous les Iraniens (actuelles exigences de l’opposition Verte), disposant de droits égaux, participant, à travers leurs députés librement élus, à la vie sociale, économique et politique du pays.


En résumé, nous serions témoins de la naissance d’un Iran puissant, disposant de toutes ses ressources et richesses humaines, intellectuelles et naturelles, intelligemment mises à disposition de la nation et de son rayonnement mondial.


C’est en position de force qu’un tel pays ferait face à l’Occident pour faire triompher ses droits régionaux et internationaux. Un tel pays serait un exemple vivant pour les peuples des pays arabo-musulmans qui s’en inspireraient pour se libérer du joug des pouvoirs dictatoriaux, à la solde des Etats-Unis. Un tel pays ferait échouer les «théories» vaseuses, qui prétendent qu’il est impossible d’instaurer la démocratie dans un pays musulman.


Bref, les enjeux sont énormes et la démocratie naissante iranienne est en mesure d’ébranler la domination occidentale au Moyen-Orient. Les dirigeants occidentaux sont conscients qu’un Iran démocratique serait plus dur en affaires.


La précipitation des Occidentaux, de la Russie et de la Chine à reconnaître le président mal élu (Ahmadinejad) trahit leur volonté de souhaiter traiter avec un Iran dictatorial, donc faible, et prêt à des compromis, voire des compromissions. Il est à souligner que la puissance actuelle du mouvement démocratique empêche le gouvernement iranien d’aller loin dans ses compromis avec ses partenaires occidentaux, russes et chinois. Voici deux exemples.


L’annonce selon laquelle les avions russes Tupolev sont pilotés par des pilotes russes, échappant à la justice iranienne, a soulevé un tollé dans le pays. Le gouvernement a été accusé de capitulation; cela a rappelé les anciens traités humiliants qu’avaient signé les gouvernements iraniens faibles d’avant la révolution de 1979 et qui accordaient des droits particuliers aux puissances étrangères et à leurs ressortissants sur le sol iranien.


L’attitude du pouvoir dans le dossier nucléaire est observée à la loupe par l’opposition dont les critiques ont obligé le gouvernement d’Ahmadinejad à renoncer à céder l’uranium enrichi à l’Occident. L’adversaire d’Ahmadinejad lors de la dernière élection, Mir Hossein Moussavi, a même parlé de braderie par le pouvoir actuel, de dizaines d’années de travail de milliers de techniciens, d’ingénieurs et de savants iraniens.


Ahmadinejad représente l’aile la plus réactionnaire du clergé iranien et des Gardiens de la révolution (Pasdarans). Cette fraction de la bourgeoisie a écarté tous ses rivaux, accusés d’être à la solde des étrangers, et a mis la main sur la justice et sur tous les leviers du pouvoir politique, militaire et économique. Les journaux de l’opposition, qui n’ont pas encore été interdit, sont constamment menacés de fermeture. Les Iraniens ne sont pas dupes et qualifient le pouvoir actuel d’illégitime, de dictatorial, de menteur et de corrompu.


Ils voient beaucoup de similitude entre la politique intérieure du gouvernement d’Ahmadinejad et le pouvoir déchu du Chah d’Iran.


Trente et un ans après la victoire de la révolution du 11 février 1979, l’Iran se retrouve à la case départ.