28.8.08

Analyse 20

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 31 août 2008

cpjmo@yahoo.fr


Ce que révèle le discours d'Obama à Berlin


Quelle différence entre le "nouveau Moyen-Orient" de Georges Bush et l'"aube nouvelle" de Barack Obama?


Le Monde du 26 juillet 2008 a publié une traduction intégrale du discours de Barack Obama, prononcé le 24 juillet à Berlin, devant près de 200 000 Allemands, apparemment enthousiastes et gagnés par l'"Obamania", phénomène entretenu par les médias occidentaux.


Tous les sujets de politique internationale y étaient abordés, donnant à ce discours, un avant goût du programme qui sera appliqué en cas de victoire (attendue) du candidat démocrate à la Maison Blanche.

Que révèle le discours de Barack Obama sur la puissance américaine, l'OTAN, les murs de division (les mots "mur" ou "murs" ont été prononcés à 14 reprises) et le Moyen-Orient?


L'analyse qui suit concerne uniquement le discours de Barack Obama à Berlin et ne préjuge en rien des changements éventuels qui interviendraient, sous la pression des forces progressistes, si l'actuel candidat démocrate devenait président.

Un rappel historique est utile: à son arrivée au pouvoir, Georges Bush avait deux atouts majeurs: la disparition soudaine de l'Empire soviétique et la puissance de l'économie américaine, loin des problèmes qu'elle connaît actuellement (crise des crédits hypothécaires, baisse du dollar, pillage des richesses du pays par le complexe politico-militaro-industriel, vol organisé et systématique des crédits alloués à l'Irak et à l'Afghanistan, appauvrissement des ménages américains, etc.).


A l'époque, l'arrogance et l'unilatéralisme constituaient les deux piliers de la politique étrangère de l'administration Bush. Le Maccartisme lui servait de base idéologique: ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous!


La France et l'Allemagne, opposées à la guerre d'Irak, étaient taxées de "vieille Europe", ridiculisées par les médias américains, gagnés à la cause néoconservatrice. La répression, théorisée dans le "Patriot act", a même gagné les Etats-Unis. L'union à la carte avait remplacé l'unité occidentale qui prédominait avant la disparition de l'Union soviétique. La Pologne, l'Ukraine, la Géorgie, la Roumanie, la Corée du sud comme certains pays d'Amérique Latine, pays sans importance stratégique, furent recrutés pour participer à la nouvelle croisade colonialiste des Etats-Unis au Moyen-Orient. La prédominance des intérêts américains remplaça les lois internationales, et l'ONU fut transformée en exécutant des désidératas de l'Oncle Sam.


L'Irak fut envahi illégitimement et le vassal israélien des Etats-Unis continua de bafouer les lois internationales, en construisant une société d'apartheid en Israël et dans les territoires occupés.


Quelques années plus tard, les guerres d'Irak et d'Afghanistan sont devenues des fardeaux financiers et humains, difficiles à supporter par une seule puissance, aussi grande soit-elle. Les élections à mi-mandat de novembre 2006 et l'échec des républicains, ont montré que les Etats-Unis sont gagnés par le doute. Les impasses de la guerre et les mauvaises nouvelles de l'économie américaine ont fini par achever le rêve néoconservateur de dominer le monde pour mille ans.


C'est dans une telle situation que la France et l'Allemagne ont fini par se joindre aux Etats-Unis, en s'engageant davantage en Afghanistan et en s'associant totalement à sa politique guerrière au Moyen-Orient. Une manière d'avouer, entre autres, que l'échec des Etats-Unis pourrait préfigurer celui de tout l'Occident, suivi du recul de l'influence occidentale dans le monde.


Conscient de l'échec de l'unilatéralisme, des limites de la puissance américaine et sans jamais mettre en cause sa suprématie, Barack Obama insiste aussi sur les limites de la puissance militaire et diplomatique des Etats-Unis et prône l'amitié euro-américaine: "Nous ne pouvons pas nous permettre d'être divisés. Aucune nation, aussi grande et puissante soit-elle, ne saurait relever seule de tels défis". De ce point de vue, il y a continuité de la politique de l'actuelle administration qui, depuis le 7 novembre 2006, a peu à peu enterré, à son tour, l'unilatéralisme.


La reconnaissance des limites de la puissance (militaire et financière) des Etats-Unis se révèle lorsque B. Obama parle de l'Afghanistan: "Les Etats-Unis ne peuvent agir tout seuls. Les Afghans ont besoin de nos soldats et des vôtres". Finie donc, l'époque où les néoconservateurs projetaient de s'impliquer simultanément sur trois fronts à la fois et dénigraient ou minimisaient: "l'importance de l'Europe pour notre défense et notre avenir".


Concernant l'OTAN, B. Obama entretient la confusion, mélangeant sciemment les époques. En parlant du "miracle allemand", il évoque l'OTAN, "la plus belle alliance jamais conçue pour la défense de notre sécurité commune". En effet, ladite alliance a été conçue pour contrer le "Pacte de Varsovie", présent au cœur de l'Europe et qui menaçait la "sécurité" de l'Europe occidentale. Depuis l'arrivée au pouvoir de l'administration Bush, l'alliance atlantique a complètement changé de mission, se transformant en un outil de domination colonialiste américain, agissant en Afghanistan. B. Obama ne met nullement en cause la nouvelle mission de l'OTAN. Il souhaite même qu'en Afghanistan: "la première mission de l'OTAN hors d'Europe réussisse". B. Obama va jusqu'à utiliser les termes employés par Georges Bush: "Pour les Afghans, et pour notre sécurité à tous, le travail doit être fait". Car :"trop d'intérêts [il s'agit des intérêts colonialistes- NDLR] sont en jeu pour que nous puissions faire marche arrière maintenant".


B. Obama est, on ne peut plus, clair: il est sur la même longueur d'onde que les néoconservateurs et sera le défenseur zélé de la politique colonialiste de la bourgeoisie américaine dont la "sécurité" s'étend jusqu'à Hindou Koch!


Sous B. Obama, y aura-t-il un changement de politique palestinienne? Evoquant la chute du "mur de Berlin", B. Obama dit: "les murs ne sont pas tombés qu'à Berlin, ils sont aussi tombés à Belfast (...) dans les Balkans (...) en Afrique du Sud (...) les murs peuvent être abattus, l'Histoire nous le rappelle sans cesse". Même s'il insiste, à juste titre, qu'"aucun mur ne doit plus séparer les races et les ethnies, les citoyens de souche et les immigrés, les chrétiens, les juifs et les musulmans. Voilà les murs qu'il faut aujourd'hui abattra", un lecteur averti ne trouve rien, dans le discours de B. Obama, ni sur le "mur de séparation" qu'érige Israël en Cisjordanie, ni sur la clôture de séparation qu'érige les Etats-Unis à leur frontière avec le Mexique.


Comme ses prédécesseurs, B. Obama soutient la destruction des murs qui empêchent la suprématie des Etats-Unis, aussi bien à Berlin que dans les Balkans. Le "mur de séparation" en Cisjordanie, conforme aux intérêts des Américano-israéliens, ne mérite même pas de figurer sur la liste des murs à abattre. Là encore, la continuité de la politique du trio Bush-Sharon-Olmert semble évidente.


Quant au Moyen-Orient, B. Obama suggère que "le temps est venu d'une aube nouvelle". Tout porte à croire qu'il s'agisse d'une nouvelle variante du "nouveau Moyen-Orient", prédit, avec le succès qu'on lui connaît, par Georges Bush et Condoleezza Rice, pendant la guerre d'agression israélienne, d'été 2006, contre le Liban.


Que se cache derrière la politique d'"aube nouvelle" de B. Obama? En s'adressant à la chancelière allemande, B. Obama dit: "mon pays doit s'unir au vôtre et à l'Europe tout entière pour adresser un message clair à l'Iran, qui doit renoncer à ses ambitions nucléaires. Nous devons soutenir les Libanais [le clan Hariri- NDLR] (...) ainsi que les Israéliens et les Palestiniens [Olmert et consorts et Mahmoud Abbas-NDLR] qui cherchent une paix solide et durable". Rien sur la colonisation de la Cisjordanie par Israël, ni sur le développement des colonies. Alors que personne ne croit plus aux pourparlers de paix, qualifiés de "trompe l'œil" par Hani Al-Masri, éditorialiste au quotidien panarabe Al-Hayat, qui affirme:" il n'y a jamais eu de processus de paix. Tous ce que nous avons vu depuis six mois, c'est davantage de colonie, de mur et de raids militaires. Les négociations n'ont servi qu'à masquer les faits accomplis israéliens" (LM du 02/08/08). Là encore, la continuité de la politique de l'administration Bush, sur l'Iran, le Liban et la Palestine est manifeste: étendre la suprématie américaine sur le reste du Moyen-Orient en visant l'Iran qui mène une politique anticolonialiste radicale.


Hormis le désengagement progressif des forces combattantes américaines du bourbier irakien, le programme de politique étrangère de B. Obama, révélé lors de son discours à Berlin, ressemble, à s'y méprendre, à celui de l'administration sortante.


Il y aura, peut-être, un changement de méthode, souligné par Hubert Védrine, ancien ministre français des affaires étrangères, et théorisé par Fareed Zakari, journaliste centriste américain d'origine indienne (Le Monde Diplomatique- août 2008).


Selon H.Védrine: "Bien sûr, il s'agit toujours, pour Zakaria, de préserver les intérêts vitaux des Etats-Unis, leur leadership, mais intelligemment, de façon bismarko-rooseveltienne si l'on peut dire, en maniant le smart power du professeur Joseph Nye, de Harvard". Dans la note concernant Joseph Nye, H.Védrine écrit: "Nye fut l'inventeur du concept de soft power ("puissance douce"). Il utilise désormais celui de smart power ("puissance intelligente"), qui renvoie à un équilibre entre puissance militaire et puissance d'attraction".


Pour l'instant, tout porte à croire que, pour corriger les énormes dégâts causés par la brutale administration Bush, B. Obama, souhaiterait incarner le smart power. L'avenir nous dira si le colonialisme "soft" ou "smart" réussira mieux que l'ancienne version, plus brutale, incarnée par l'administration Bush.

23.8.08

Analyse 19

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 24 août 2008

cpjmo@yahoo.fr


Mourir pour Total, Exxon, Shell...


La mort tragique de dix militaires français, le 18 août 2008, à Saroubi, un verrou stratégique en Afghanistan, soulève une question: que fait l'armée française en Afghanistan, à 6000 km de son territoire? A entendre Nicolas Sarkozy:" c'est la paix dans le monde qui se joue ici, et donc la guerre contre le terrorisme et la pauvreté, mais aussi la lutte pour les droits de l'homme, de la femme" (Le Monde du 21/08/08).


La "lutte contre la pauvreté, pour les droits de l'homme" ne s'applique-t-elle pas à l'Afrique et à la France? Dans le cadre de sa politique "françafrique", la France soutient depuis des lustres tous les potentats africains, à la tête de régimes corrompus et dictatoriaux. Il n'est un secret pour personne que Hamid Karzaï, le président afghan, est une marionnette des Etats-Unis et qu'en Afghanistan, l'Occident soutient un narco-Etat corrompu. Selon Natalie Nougayrède, journaliste du Monde, Hamid Karzaï "protégerait l'enrichissement de certains proches, qui détournent une partie des aides étrangères" (LM du 21/08/08).


Pire, "quelques 40% de l'argent dépensé retournent d'une manière ou d'une autre aux donateurs, notamment pour financer les salaires des expatriés et des consultants" (LM du 27/03/08).


De tout temps, les colonialistes ont justifié leurs conquêtes sous couvert d'"aide au développement", ou d'"ingérence humanitaire" pour répandre la "démocratie". La présence massive de l'Occident en Asie centrale répond, avant tout, au problème de la maîtrise totale des voies de communication (maritime, terrestre et aérienne) et doit permettre de satisfaire sa sécurité d'approvisionnement en énergie. Les premiers bénéficiaires sont les majors pétroliers dont Total, Exxon, Shell, etc. Pour Peter Struck, l'ancien ministre de la défense du gouvernement rouge-vert allemand, la défense de l'Europe "commence dans l'Hindou kouche" (LM du 13/02/08). Il s'agit bien de la défense des intérêts stratégiques occidentaux, et non d'une prétendue "aide" à l'Afghanistan.


Depuis la naissance du royaume afghan en 1747, les peuples de ce pays se sont battus contre cinq invasions occidentales et continueront donc de se battre contre l'invasion de l'Afghanistan par l'OTAN. Tant que le pays restera occupé par des armées étrangères, nous serons, malheureusement, témoins d'autres tueries et destructions.


Nous publions ici des extraits de l'analyse 6, "Mourir pour l'Empire", datée du 17 février 2008.


"Les Etats-Unis, nouvelle puissance coloniale planétaire, sont présents sur les cinq continents, soit en tant que puissance occupante (en Irak et en Afghanistan), soit en tant que puissance tutélaire de nombreux pays. Les oléoducs et les gazoducs qui alimentent l’Occident passent par des régions parsemées de bases militaires américaines, et aussi françaises, britanniques, allemandes. Selon l’ancien ministre de la défense du gouvernement rouge- vert Peter Struck : La défense de l’Europe «commence dans l’Hindou Koch»».


Depuis plus de deux siècles, les puissances occidentales ont été amenées à s’activer aux confins de l’«Hindou Koch», très loin de l’Europe. Ancienne puissance mondiale, devenue, après la Seconde guerre mondiale, puissance de «seconde zone», la Grande Bretagne a soutenu les Etats-Unis, dans leur aventure irakienne en 2003. Après six années d’une guerre épuisante, les Britanniques plient bagages pour se consacrer à l’Afghanistan. Londres «épuisé» est remplacé par Paris, «allié indispensable et zélé», qui envoie des forces fraîches en Asie centrale, afin de consolider la suprématie de l’Empire américain. Riche en matières premières, l’Asie centrale attise toutes les convoitises. Après l’Afghanistan, «porte de l’Inde», Paris «noue un partenariat stratégique avec Astana», capitale de Kazakhstan, pays riche en hydrocarbures, en uranium, en titane, métal stratégique (LM du 10-11/02/08).


Pourtant, les tensions sont perceptibles dans l’édifice impérial. Tous les partenaires ne sont pas traités sur un même pied d’égalité. Ils ne veulent pas s’impliquer plus qu’il ne faut dans des guerres meurtrières, coûteuses en homme et en matériel, au profit de l’Empire américain. Le Canada s’apprête à quitter l’Afghanistan. Obligée de supporter le fardeau de plus en plus lourd des interventions colonialistes, l’Amérique se rebiffe et tance ses partenaires en des termes peu amènes. Secrétaire américain à la défense, Robert Gates, qualifie de «décevant» le refus des Alliés d’envoyer des renforts dans le Sud de l’Afghanistan. Pour lui: «certains sont prêts à se battre et mourir et d’autres qui ne le sont pas» (LM du 09/02/08).


Les déboires de l’Empire ne s’arrêtent pas là. Jadis élément important du puzzle, le Pakistan est devenu le maillon faible du dispositif américain. En effet, se sentant encerclé et s’inquiétant du rapprochement indo- afghan, l’armée et les services de renseignement pakistanais ménagent les nationalistes religieux, impliqués, directement ou indirectement, dans la lutte anticolonialiste.


Afin de montrer les «réussites» de l’administration Bush, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, est monté au créneau pour annoncer «la déroute» des combattants islamistes en Irak. Peine perdue. Les journaux n’ont pas tardé à annoncer que «le niveau de violence à Bagdad reste suspendu à la trêve décrétée par l’«Armée du Mahdi» de Moqtada Al-Sadr (LM du 14/02/08). La baisse du niveau de violence marque, sans nul doute, une entente entre Téhéran et Washington. Malgré l’embargo, le développement de la technologie militaire de l’Iran rappelle la sentence d’Henry Kissinger: «La pierre angulaire de la puissance n’est pas le territoire mais la technologie.»


La résistance anticolonialiste s’intensifie dans la région, tout comme les attentats contre les anticolonialistes (l’assassinat en Syrie d’Imad Moughniyeh par les agents israéliens) et autres complots dont sont coutumiers les américano- israéliens. Le Liban et la Palestine restent sous tension et une déflagration régionale est à craindre. L’ouverture d’un nouveau front au Tchad par la France, ne peut qu’affaiblir la position des colonialistes, désormais engagés militairement de la frontière afghane au Tchad.


Au moment où l’Empire américain manifeste des signes de faiblesse, alors que les candidats à la présidence parlent du retrait éventuel des troupes américaines d’Irak, la France arrive sur les champs de bataille. Ses militaires vont continuer à «se battre et mourir» pour les matières premières et pour l’Empire."

15.8.08

Analyse 18

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 17 août 2008

cpjmo@yahoo.fr

A propos de la récente guerre du Caucase


Le jour où Poutine a regardé Bush droit dans les yeux


Après son arrivée à la présidence des Etats-Unis, il y huit ans, Georges Bush s'est rendu à Moscou et, selon ses propres termes, a regardé Poutine, droit dans les yeux. Il lui aurait (peut-être) dit: "la rivalité russo-américaine a tourné en faveur des Etats-Unis, conduisant à la disparition de l'Union Soviétique. En d'autre termes, la guerre froide s'est achevée avec la victoire des Etats-Unis. Il est temps que la Russie en tire les conséquences".

Les Etats-Unis ont pris pied en Asie centrale, y installant des bases militaires. Ils ont mis la main sur les richesses pétrolières et gazières de l'Azerbaïdjan, du Turkménistan et ont détaché les pays baltes, la Géorgie et l'Ukraine de l'Empire russe. La Biélorussie constituait la prochaine cible des Etats-Unis, secondés activement par l'Union européenne qui qualifiait la percée des Etats-Unis d'"irréversible"!

En son temps, le même air était chanté par radio Kaboul, aux ordres de l'Union Soviétique, qualifiant la conquête de l'Afghanistan par le puissant voisin du nord de "bargachnapazir", mot persan signifiant "irréversible". On connaît la suite.

Les derricks ont fleuri sur le pourtour de la mer Caspienne et les oléoducs ont reliés les champs pétrolifères de l'Asie centrale aux raffineries occidentales. Au mépris de la loi internationale, qui exige le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des pays membres des Nations unies, l'Irak et l'Afghanistan ont été envahis par les armées occidentales, menées par l'armée américaine, puis annexés à l'Empire américain, empire financier et militaire le plus vaste de l'histoire de l'humanité.

Enterrant le gaullisme, partisan d'une politique étrangère indépendante, même la France de Sarkozy a plié l'échine devant la toute puissance des Etats-Unis.

N'oublions pas que les guerres d'Irak et d'Afghanistan, loin d'être gagnées, se sont avérées très couteuses sur les plans humain et économique. L'économie de guerre américaine est entrée en récession, entrainant l'économie de la zone euro, dont celle de l'Allemagne elle-même.

L'administration Bush, discréditée et affaiblie, est contestée à l'intérieur même des Etats-Unis. La décrue de sa puissance s'est traduite par le retour de la Russie sur la scène asiatique.

C'est en Chine, lors des jeux Olympiques de Pékin que Vladimir Poutine, en regardant droit dans les yeux de Bush, lui aurait (peut-être) dit: "c'en est fini avec la toute puissance des Etats-Unis. Vous êtes embourbés en Irak et vous ne gagnerez jamais la guerre d'Afghanistan. L'Iran, la nouvelle puissance du Moyen-Orient, vous nargue et vous traversez une crise économique, la plus grave depuis 1929. Il est temps que vous en tiriez les conséquences."

Retour du balancier. Si la conquête de l'Asie centrale et du Caucase annonçait la suprématie des Etats-Unis, le reflux de sa puissance, commencé au Moyen-Orient, prend une ampleur particulière à la suite de la déroute de l'armée géorgienne. Faut-il signaler que la petite Géorgie n'aurait jamais osé attaquer l'Ossétie du Sud sans l'aval, voire l'encouragement, de l'administration Bush. L'envoi en Géorgie du contingent géorgien d'Irak par l'aviation américaine, montre l'implication directe des Etats-Unis dans le conflit.

Saakachvili n'a pas hésité à parler de la Géorgie comme étant: "le champ de bataille pour les valeurs de l'Occident" (Le Monde du 13/08/0). La nature de ces "valeurs" a bien été identifiée par Lech Kaczynski, le président polonais, selon lequel: "il n'y a pas de sécurité d'approvisionnement en énergie ni de notre pays ni de l'Europe sans la Géorgie" (LM du 13/08/08).

Vu la prudence des "amis" occidentaux de la Géorgie, face à la machine de guerre russe, les anciennes républiques de la défunte Union Soviétique (Pologne, Ukraine, Azerbaïdjan, pays Balte) se posent sûrement des questions sur la fiabilité stratégique de leur mentor occidental.

Faut-il se réjouir de la renaissance de la puissance russe? L'émergence de cette puissance permettra d'équilibrer les forces militaires et diplomatiques présentes en Asie centrale et au Caucase. Sur ce plan, les anticolonialistes sont satisfaits. Mais, ils n'oublient pas, que la Russie est aussi une puissance colonialiste, qui se bat pour des zones d'influence et qui est présente, par son armée, aux frontières du Tadjikistan. L'occupation de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie par l'armée russe est, ni plus ni moins, une violation flagrante de l'intégrité territoriale de la Géorgie.

La division des puissances colonialistes (Etats-Unis, Union européenne et Russie), voire leur affrontement, laisse pourtant un répit aux forces anticolonialistes qui pourront jouer sur cette division pour leur résister. Si la Russie et la Chine sont d'accord avec les Occidentaux pour empêcher en Iran la naissance d'une puissance régionale, voire mondiale, elles s'opposent aux velléités de l'Occident de soumettre ce pays. Car, en cas de succès de l'Occident face à l'Iran, la Russie et la Chine seraient obligées de passer par les Etats-Unis pour accéder au marché iranien, ou pour s'approvisionner en hydrocarbure. Un exemple récent a été fourni par le retrait de Total, la compagnie pétrolière française, sous la pression des Etats-Unis, du marché juteux de gaz liquéfié de Pars-sud, dans le Golfe Persique. Sous les précédents gouvernements français, s'inspirant de la politique gaulliste, un tel retrait eut été impensable.

La Géorgie retrouvera-t-elle, un jour, sa souveraineté? Vassal de l'Empire Perse jusqu'au dix-neuvième siècle, la Géorgie est passée dans la sphère d'influence russe, puis soviétique avant de devenir le vassal des Etats-Unis.

L'histoire de la Géorgie, située aux carrefours des intérêts géostratégiques des puissances militaires et colonialistes, se résume en celle d'un Etat vassal de l'empire le plus puissant de l'époque. Pour l'heure, à moins d'un miracle, il est très difficile d'imaginer une Géorgie vraiment souveraine.

10.8.08

Analyse 17

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 10 août 2008

cpjmo@yahoo.fr


En Géorgie, le torchon brûle

entre Washington et Moscou


Pour qui se bat Mikheïl Saakachvili, président géorgien?


Jeudi 7 août 2008, l'armée géorgienne a lancé une vaste offensive militaire contre l'Ossétie du Sud. A en croire le président géorgien, il s'agit d'"établir l'ordre constitutionnel dans l'ensemble de la région".

S'il est vrai que l'Ossétie du Sud fait partie intégrante de la Géorgie, la partie jouée par Saakachvili, président géorgien, et son armée, est troublante. En effet, entraînée et armée par les Etats-Unis, l'armée géorgienne se comporte comme exécutant des intérêts géostratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient et au Caucase. Actuellement, 2000 militaires géorgiens sont déployés en Irak, près de Kout, de Baqouba et dans la zone verte et, selon le colonel Bondo Maisuradze, chef du contingent géorgien en Irak, les militaires géorgiens s'apprêtent à quitter l'Irak pour l'Ossétie du Sud (nouvelobs.com du 09/08/08). De plus, cette armée "sécurise" l'oléoduc BTC (Bakou- Tbilissi- Ceyhan), par où transite, via la Turquie, le pétrole de la mer Caspienne à destination de l'Occident. Il serait faux d'accorder des sentiments patriotiques à cette armée, en particulier à ses officiers supérieurs, aux ordres des conseillers militaires américains qui infestent l'armée géorgienne, candidat potentiel à l'adhésion à l'OTAN.

La flambée de violence qui ravage actuellement l'Ossétie du Sud s'inscrit dans le cadre d'un conflit plus généralisé qui agite les relations russo-américaines: celles-ci ont pris un tour dramatique, depuis que l'administration Bush a décidé d'installer une base antimissiles en Pologne et une base de radars en République Tchèque. Les tractations Bush- Poutine n'ayant rien donné, la Russie a décidé de faire atterrir ses bombardiers stratégiques à Cuba. Pour Washington, c'est franchir une ligne rouge. Le conflit actuel en Ossétie du Sud serait une réponse à l'"insolence" russe et, aussi, une tentative de compléter l'encerclement de la Russie, en réduisant ses marges de manœuvres au Caucase et sur le pourtour de la mer Noire, transformée en lac américain.

Le bombardement par l'aviation russe du port pétrolier Poti sur la mer Noire, site clé pour le transport des ressources énergétiques de la mer Caspienne, est un message lourd de conséquences. Il signifie à l'Occident que, pour "sécuriser" l'approvisionnement en pétrole de l'Occident, il faut composer avec la Russie car elle est en mesure de stopper son écoulement. Un premier message en ce sens avait déjà été envoyé lorsque la Russie avait coupé le gaz à l'Ukraine, faisant trembler l'Europe tout entière.

Humiliés en Irak, en Afghanistan et au Liban et ignorés par l'Iran qui refuse de céder aux chantages, les Etats-Unis de Georges Bush, en proie à des difficultés économiques croissantes, cherchent-ils à sortir de la poisse par une victoire au Caucase? La fermeté de la Russie annonce un nouvel échec que l'Oncle Sam subira, cette fois-ci, au Caucase. [Seulement trois jours après les débuts des hostilités, et sous la pression de l'armée russe, le ministre géorgien de l'Intérieur vient d'annoncer le retrait de l'armée géorgienne de l'Ossétie du Sud (lemonde.fr du 10/08/08)].

Et ce d'autant plus que, depuis le retrait de Total de l'exploitation du gisement de gaz de Pars Sud, dans le Golfe persique, et les menaces iraniennes de fermer le détroit d'Ormuz si l'Iran est agressé, les marges de manœuvres de l'Occident, en général, et des Etats-Unis, en particulier, sont très étroites.

Faut-il, pour autant, conclure à la possibilité d'une interruption de l'écoulement de pétrole vers l'Occident? La guerre en Ossétie du Sud fait partie de ces conflits régionaux entre grandes puissances militaires, qui s'achèveront par des ajustements (territoriaux, diplomatiques, etc.) en faveur de l'une des puissances. Et le pétrole continuera de couler dans les oléoducs.

C'est toujours la population qui finit par payer un lourd tribut, sous forme de chair à canon, à l'aventure militaire des grandes puissances et de leurs laquais. D'ailleurs, Saakachvili et son entourage n'ont pas hésité à exalter le "patriotisme" des Géorgiens et les inviter à se porter volontaires au combat pour la "mère patrie"!!

Il est à souligner qu'au fur et à mesure que se rapproche la fin de l'administration Bush et avec son affaiblissement, les conflits régionaux vont se multiplier. Le Kurdistan irakien et le Pakistan montrent des signes de fébrilité.