28.10.07

C.58- Israël, Kosovo, Kurdistan et...

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 28 octobre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Israël, Kosovo, Kurdistan et …


Une "étrange catastrophe"* attend le Moyen-Orient

Le Kosovo et le Kurdistan sont des régions qui ont souffert- qui souffrent encore- de discriminations d’ordre culturel et économique de la part du pouvoir central. Sur le plan linguistique et culturel, les autorités turques commencent à peine à accepter la spécificité kurde. Le Kurdistan, qu’il soit turc, irakien ou iranien, est une région sous développée, une sorte de punition imposée à ce peuple fier et insoumis qui combat l’injustice séculaire, soit pacifiquement, quand l’occasion s’y prête, soit les armes à la main.

Intéressés par les mouvements populaires dans le monde, les colonialistes regardent avec «compassion» les mouvements de résistance kurde et Kosovar. C’est en s’appuyant sur le puissant mouvement de contestation kosovar que l’Occident, conduit par les Américains, a «sensibilisé» l’opinion publique, avant de décomposer la Serbie, soutenue par les Russes dans les Balkans.

Actuellement, le Kosovo, petit territoire albanophone, est divisé en cinq régions, administrées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Russie. Afin de transformer le Kosovo en une sorte de grande base militaire au cœur des Balkans, entièrement vouée aux intérêts des pays occidentaux, ces derniers manoeuvrent aux Nations Unies afin de lui accorder l’«indépendance». Devenu pays «indépendant » et, de surcroît, membre des Nations Unies, le Kosovo pourrait exiger des Russes de quitter le territoire!

Petit pays sans défense et entouré de pays hostiles et puissants, le Kosovo dépendrait entièrement, pour sa survie, des Etats-Unis et des colonialistes européens, qui n’hésiteraient pas à l’utiliser comme base de lancement d'opérations militaires et «humanitaires» pour régner en maître dans les Balkans et ses environs.

Comme le Kosovo, le Kurdistan irakien est traité de «territoire autonome», avec «un gouvernement régional autonome», disposant d’une armée de 100000 peshmergas. C’est qu’après la décomposition de l’ex-Yougoslavie, puis de la Serbie, l’heure est à la décomposition de l’Irak. En la personne de Frédéric Tissot, compagnon de route de Bernard Kouchner, «french doctor» «humaniste» militariste et homme de confiance da la CIA, la France a déjà choisi son futur représentant diplomatique à Erbil, promue capitale de la «région autonome du Kurdistan irakien». D’ores et déjà, ce «gouvernement» entretien d’excellents rapports avec Israël, bras armé de l’Occident au cœur du Moyen-Orient.

Le «Kurdistan autonome» d’Irak représente une brèche de plus dans le «remodelage» du Moyen-Orient, cher à l’administration Bush. Le Kurdistan, n’étant pas le Kosovo, la question est de savoir si le plan de dépeçage appliqué avec succès dans les Balkans, peut fonctionner aux frontières de pays hautement stratégiques comme la Turquie, l’Iran et l’Irak? En effet, la transformation du Kurdistan irakien en «région autonome» constituerait le premier pas vers la création du «Grand Kurdistan», pays «indépendant», de fait dépendant des Etats-Unis, englobant le Kurdistan turc et le Kurdistan iranien.

Membre important de l’OTAN, occupant, de surcroît, une position hautement stratégique au Sud de la Mer Noire et aux Dardanelles, en Méditerranée, la Turquie est farouchement opposée à la création du «Kurdistan autonome», qui serait une menace grave pour son intégrité territoriale. On voit bien que les intérêts stratégiques des Etats-Unis peuvent entrer en conflit avec ses alliés les plus proches. La création du «Kurdistan autonome» inquiète tous les «amis» des Etats-Unis comme l’Arabie saoudite, pays comportant une forte minorité chiite.

Tout porte à croire que, fort de son poids et de sa position stratégique, la Turquie est décidée à tenir tête aux Américains et à en découdre avec le «gouvernement autonome» kurde fantoche.

Les menaces fusent des deux côtés. Pour faire pression sur la Turquie, la commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants a voté, mercredi 10 octobre, un texte qui reconnaît un «génocide» arménien du début du XXe siècle dans l’Empire ottoman (Le Monde du 12/10/07). De son côté, la Turquie menace de restreindre l’accès des forces américaines à la base aérienne d’Incirlik, plaque tournante du transit américain vers l’Irak et l’Afghanistan (LM du 16/10/07).

Actuellement, l’armée turque mène des actions de l’autre côté de la frontière, et le déplacement d’une délégation irakienne en Turquie s’est soldé par un échec. Selon le premier ministre turc: «la Turquie lancera une opération contre les rebelles «quand ce sera nécessaire» sans tenir compte de l’opinion internationale (Dernières Nouvelles d’Alsace du 28/10/07). Les Etats-Unis sont visés indirectement. Le bruit de bottes arrive d’une région où on ne l’attendait pas.

Dans sa démarche, la Turquie est incontestablement soutenue par l’Iran, l’Arabie saoudite et la Russie, qui voient d’un mauvais œil la création d’un «Kurdistan autonome», à la botte des Etats-Unis, qui, en cas de réussite, n’hésiteraient pas à équiper le nouveau pays d’un armement des plus sophistiquées (centres d’écoute électronique, missiles, voire armes nucléaire), menaçant, comme Israël, tous les pays de la région.

Face à l’agressivité américano-israélienne au Moyen-orient, la résistance s’organise. Le voyage de Poutine en Iran en est une manifestation. Tandis que Washington renforce ses sanctions financières pour isoler l’Iran et cible les gardiens de la Révolution, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, a proposé aux Russes d’envoyer des experts militaires dans la station radar en construction en République tchèque, pour diviser le front russo-iranien (LM du 27/10/07).

Dans ses tentatives de faire pression sur l’Iran, l’administration Bush est soutenue par l’establishment démocrate : «Hillary Clinton affiche une attitude compréhensible» note Sylvain CYPEL, dans Le Monde du 27/10/07.

Même soutenue par les démocrates, l’administration Bush a-t-elle une chance de réussite? D’accord sur un certain nombre de points, dans l’ensemble, la classe politique américaine reste profondément divisée. L’équipe Bush est traitée de «clique incompétente, arrogante et corrompue» par un ancien officiel du Conseil national de sécurité. Professeur associé à l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université Paris- VIII, Philip S. Golub, livre une analyse pertinente de la «puissance américaine», dans Le Monde Diplomatique d’octobre 2007: «Les signes d’affaiblissement de l’hégémonie américaine sont visibles partout: en Amérique latine, où l’influence des Etats-Unis est au plus bas depuis des décennies; en Asie de l’Est, où Washington a dû, de mauvaise grâce négocier avec la Corée du Nord et reconnaître en la Chine un acteur indispensable de la sécurité régionale; en Europe, où le projet américain d’installer des batteries antimissiles est contesté par l’Allemagne et d’autres pays de l’Union; dans le Golfe, où des alliés de longue date comme l’Arabie saoudite poursuivent des objectifs régionaux autonomes qui ne coïncident que partiellement avec ceux des Etats-Unis… ». Néanmoins, une «étrange catastrophe»* attend le Moyen-Orient.

* Marc Bloch, à propos de juin 1940.

21.10.07

C.57- Du "chaos constructif" à la pagaille

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 21 octobre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Du «chaos constructif» à la pagaille


La semaine écoulée fut extrêmement riche en événements: préparation de la réunion d’Annapolis aux Etats-Unis sur le conflit israélo-palestinien; voyage de Poutine, président russe, en Iran; menace d’intervention turque au Nord de l’Irak; retour d’exil de Benazir Bhutto au Pakistan le 18 octobre, au cours duquel elle a échappé à un attentat meurtrier; démission d’Ali Larijani, négociateur iranien (dossier nucléaire) et son remplacement par Saïd Jalili, vice ministre des affaires étrangères.

La Russie, puissance eurasienne, est une puissance atypique. Asiatique et concurrente directe des puissances anglo-saxonnes (britannique et américaine), elle est vue avec méfiance par les puissances occidentales qui, à l’occasion, n’hésitent pas à l’encercler, à s’introduire dans son «pré carré», à la déstabiliser et à contrôler ses portes d’accès aux «mers chaudes». A ce titre, la Russie se trouve dans le même camp que la Chine et l’Iran.

Européenne, la Russie est foncièrement colonialiste. En 1978, profitant de l’affaiblissement des Etats-Unis, la Russie a envahi l’Afghanistan et mis la main sur l’Angola et l’Ethiopie.

Peu de temps après leur défaite vietnamienne, les Etats-Unis ont reconquis le terrain perdu, poussant les Russes à la défensive. Après avoir «perdu» sa souveraineté sur l’Asie centrale (installation de bases militaires américaines), puis la Géorgie et l’Ukraine, la Russie est actuellement menacée par la prochaine installation d’une base d’antimissiles américains en Pologne et de radars de détection de lancement de missiles en République tchèque. D’autant plus que l’Occident cherche fébrilement à arracher la Biélorussie, le dernier pays européen resté encore dans le giron russe.

L’attitude de la Russie à l’encontre de l’Iran est révélatrice de l’ambiguïté historique de la position russe. D’une part, pour donner satisfaction aux Occidentaux, elle retarde l’achèvement de la centrale nucléaire de Bushehr et, d’autre part, pour aider l’Iran à faire face aux menaces occidentales, elle renforce le potentiel militaire de l’Iran où la Russie détient d’importantes parts de marché nucléaire, civil et militaire.

Le soutien, même timide, apporté à l’Iran au Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que la collaboration avec la Chine au sein du Conseil de coopération de Shanghai, montrent bien l’agacement de la Russie face à l’attitude humiliante occidentale à son égard. Il est à souligner que par oligarques pro-occidentaux interposés, la Russie a failli perdre sa souveraineté sur ses richesses naturelles.

Tout porte à croire que l’affaiblissement des Etats- unis en Irak, son impasse afghane et ses déboires pakistanais, encouragent la Russie à créer une grande alliance russo-iranienne en vue de résister aux menaces américaines, sur son flanc ouest et sud, voire de passer à l’offensive. Le remplacement d’Ali Larijani, négociateur iranien sur le nucléaire, et son remplacement par Saeed Jalili, un proche du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, serait-il un signe du raidissement de l’Iran, sûr du soutien russe, après le voyage de Poutine en Iran?

Toujours est-il que des signes de pagaille régionale, conséquence de l’affaiblissement des positions américaines au Moyen-Orient, se multiplient.

Peut-on résumer les menaces d’intervention turque en Irak à son désir d’en découdre avec les maquisards Kurdes du PKK? Pas sûr si l’on se réfère aux propos de Mullah Bakhtiar, responsable des relations internationales pour l’Union patriotique du Kurdistan (UPK, dirigé par Jalal Talabani, président d’Irak). ««Le PKK n’est qu’un prétexte» à cette intervention. Le nœud de la crise est «la question du fédéralisme en Irak, plus précisément, la question de la ville de Kirkouk (…) Cette riche cité pétrolifère pourrait assurer l’indépendance économique de la région kurde. «Pour la Turquie, il s’agit d’une ligne rouge»» (Le Monde du 20/10/07). Suite au fiasco irakien des Etats-Unis et à sa défaite morale, la Turquie, soutenue par l’Iran, se prépare à briser dans l’oeuf toute velléité de séparatisme au Kurdistan irakien, nuisible à son intégrité territoriale.

A son tour, P. Musharraf, président pakistanais, incapable de venir à bout des résistants islamistes, met le pays au bord de la pagaille généralisée. L’attentat suicide visant Benazir Bhutto le 18 octobre «n’est que le dix-neuvième attentat dans le pays depuis l’assaut contre la mosquée Rouge d’Islamabad en juillet» (Françoise CHIPAUX- LM du 20/10 /07). En faisant revenir B. Bhutto au Pakistan, les Etats-Unis espèrent pouvoir circonscrire l’incendie révolutionnaire qui menace d’embraser le pays tout entier. En effet, «B. Bhutto accorde aux Etats-Unis un quasi droit d’intervention dans les zones tribales» (même référence). Or, la dictature de Musharraf puise sa «force» dans la corruption, le népotisme et la terreur fasciste. Frédéric BOBIN, journaliste, rapporte dans Le Monde du 7-8/10/07 q’un des soutiens de Musharraf se nomme «Muttahida Quami Movement» (MQM) qui contrôle une banlieue sinistrée de Karachi. Ce parti est connu pour ses pratiques violentes, voire terroristes. Le MQM contrôle la mairie de Karachi et co-dirige la province du Sind, dont la cité est le chef-lieu. Selon un journaliste local, qui préfère ne pas être cité, le MQM «c’est un parti de type fasciste» qui a mis Karachi en coupe réglée. Bombarder les zones tribales pour sauver le régime de Musharraf revient à casser le thermomètre pour sauver le malade. Avec Musharraf, B. Bhutto et les Etats-Unis, la pagaille au Pakistan a un «bel avenir».

La situation n’est pas meilleure en Palestine. La soi-disant «réunion internationale» en novembre aux Etats-Unis, ressemble plutôt à un rassemblement d’urgence des «amis» des Etats-Unis (Israël, Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, etc.) autour d’une table afin de combattre les incendies qui risquent de s’étendre à toute la région, qu’à une tentative de résoudre la question palestinienne. Pour faciliter la présence des Saoudiens autour d’une table avec l’ennemi sioniste, il est possible que les Israéliens fassent de petites concessions aux Palestiniens, qui seront de toute façon à mille lieux de mettre fin au régime d’apartheid et à la colonisation israélienne. Tout porte à croire que l’impasse palestinienne perdurera, favorisant du coup le développement de l’influence du Hamas en Cisjordanie.

Aux Etats-Unis même, les tensions sont fortes au sein de l’administration Bush, secouée par des démissions, des révélations sur la torture, des prisons secrètes, des pratiques anti-constitutionnelles de la clique au pouvoir à la Maison Blanche et le «déséquilibre» de l’armée américaine. La pagaille menace l’Empire qui, selon Tony Judt, professeur d’études européennes à l’université de New York (LM du 19/10/07), a commis «la plus grave erreur diplomatique jamais commise par les Etats-Unis».

14.10.07

C.56- La France et l'Iran: les rendez-vous manqués

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 14 octobre 2007

cpjmo@yahoo.fr

La France et l’Iran: les rendez-vous manqués

Une étude rapide de l’histoire des relations diplomatiques franco-iraniennes nous apprend que bien qu’attirés culturellement, les deux pays ont manqué plusieurs occasions historiques pour se rapprocher diplomatiquement.

La première remonte au seizième siècle, époque où un rapprochement entre François 1er et l’Ottoman Soliman le Magnifique, permit à ce dernier de s’emparer de la Mésopotamie, alors fief de l’Empire Perse sous Tahmasep le Séfévide.

Sous la dynastie des Qadjar, l’Iran, affaibli, cède, après deux guerres (1804-1813 et 1826-1828) ses provinces septentrionales (le nord de l’Azerbaïdjan (Bakou), le Daguestan, la Géorgie et l’Arménie) à l’Empire russe. A la recherche d’alliés, l’Iran se rapproche de la France napoléonienne (accord du 4 mai 1807). L’alliance avec Napoléon ne permit jamais à l’Iran de se protéger face à la convoitise de l’Empire russe qui, avec l’Empire britannique, mirent le Proche-Orient et l’Asie centrale en coupe réglée. La vaste région du Moyen-Orient devint la «chasse gardée» des Britanniques qui la cédèrent, ensuite, à l’Empire américain qui continue de la faire saigner.

Après le dépeçage de l’Empire ottoman et le partage de ses zones d’influence entre les puissances occidentales, la France n’hérita que d’un mandat de protectorat sur la Syrie et le Liban. L’Empire britannique s’octroya la part du lion englobant toute la péninsule arabique, l’Irak, le Koweït et les pays du Golfe persique, riches en hydrocarbures.

La barbarie de l’armée britannique et ses interventions fréquentes dans les affaires de la région, lui ont attiré l’animosité des peuples et nations du Moyen-Orient. Une animosité qui perdure et qui s’est même renforcée suite à l’intervention, en 2003, des Britanniques en Irak.

En tant qu’ancienne puissance colonialiste, la France est haïe en Afrique, alors qu’elle jouissait d’une image positive au Moyen-Orient. La bourgeoisie naissante de cette région, en particulier celle d’Iran, préférait développer ses relations avec la France qui, contrairement aux Britanniques et aux Américains, n’a pas une puissance militaire suffisante pour agresser les pays de la région.

Après la victoire de la révolution de 1979, la France effectua une percée spectaculaire en Iran. Les puissances économiques européennes (Allemagne, Italie, France, Autriche) gagnèrent les parts de marché perdues par les Etats-Unis. Malgré les menaces américaines pour empêcher les investissements pétroliers en Iran, ces tentatives ne purent aboutir. Le diplomate américain Tom Lantos, auteur d’un projet de loi qui entend sanctionner les entreprises étrangères implantées en Iran, a déclaré: «Depuis 1999, des géants comme la Royal Dutch Shell, Total, de France, ENI, d’Italie, et Inpex, du Japon, ont investi pour plus de 100 milliards de dollars dans le secteur énergétique iranien, et les Etats-Unis n’ont rien fait pour s’y opposer » (Le Monde du 27/09/07).

Se passer du pétrole et du gaz iraniens signifie clairement à l’intention des autres pays producteurs qu’il faudrait remplacer ce manque par une quantité équivalente. Tout indique que les pays producteurs de pétrole ne sont pas en mesure de compenser le manque éventuel de pétrole iranien sur le marché. L’arrêt de la livraison de pétrole iranien risque de plonger l’économie mondiale dans le marasme, à commencer par les économies chinoise, japonaise ou allemande et française. D’où l’hésitation, voire la réticence des chancelleries occidentale de se rallier à un train de sanctions internationales contre l’Iran, initiées par l’ONU ou hors ONU.

Comment interpréter le ralliement français aux néo-conservateurs américains? Loin d’être une décision passionnelle ou personnelle, ce ralliement signifie que la France, liée stratégiquement aux Etats-Unis, soutient le camp occidental, affaibli et en perte de position au Moyen-Orient. L’affaiblissement des Etats-Unis et leur éventuel départ d’Irak auront des conséquences stratégiques pour les intérêts occidentaux. L’Iran est un sérieux prétendant à combler «le vide» occasionné par l’affaiblissement et le départ des Etats-Unis d’Irak. C’est de ce point de vue qu’il faut analyser et comprendre l’animosité de la France envers l’Iran. C’est le troisième rendez-vous manqué franco-iranien.

Au Moyen-Orient, la France n’est plus une puissance «vierge», méconnue. Sa présence militaire en Afghanistan en fait une puissance colonialiste, au même titre que les Britanniques ou les Américains. Certes, la France a gagné l’amitié des Etats-Unis, mais elle a perdu celle des peuples et nations de la région qui la considéraient comme une «puissance à part», moins dangereuse. Désormais, elle devra partager les conséquences de son ralliement aux Américains, haïs au Moyen-Orient.

L’agressivité occidentale à l’égard de la Russie, pousse cette puissance à se rapprocher de l’Iran et à manifester son «dédain» à l’égard de la France. Tout porte à croire que N. Sarkozy soit revenu bredouille de son dernier voyage en Russie qui, elle- même, chassée d’Irak, détient des parts importantes de marchés militaires et nucléaires en Iran. Les échanges commerciaux russo-iraniens sont intenses, comme ceux sino-iraniens ou indo-iraniens.

L’Occident n’est plus en position de force, ni en Irak, ni en Afghanistan. Son affaiblissement se répercutera sur sa position dominante au Moyen-Orient, où des puissances en devenir s’apprêtent à prendre la relève. Le mouvement de résistance à la dictature fasciste et à la barbarie des armées d’occupation occidentales se développe. Musharraf, le Pétain pakistanais est à la peine. Ses régions septentrionales lui échappent de plus en plus. La France a misé sur un cheval perdant et elle n’avait pas le choix. Elle en assumera certainement les conséquences.

7.10.07

C.55 (07 octobre 2007) - Le "colonialisme collectif, à visage humain" déferle sur l'Afrique

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 07 octobre 2007

cpjmo@yahoo.fr

Le «colonialisme collectif, à visage humain» déferle sur l’Afrique

Pour sa première intervention aux Nations Unies le 25 septembre, le président Nicolas Sarkozy a appelé «tous les hommes de bonne volonté» à construire, avec la France, un «nouvel ordre mondial», plus équitable. Au nom de la France, il a lancé un appel solennel à l’organisation des Nations Unies pour qu’elle «se donne les moyens d’assurer à tous les hommes à travers le monde l’accès aux ressources vitales de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, des médicaments et de la connaissance» (Le Monde du 27/09/07).

Le discours du président français a provoqué des applaudissements dans l’enceinte des Nations Unies. Personne ne peut être contre ces propositions humanistes. Déjà en 1991, la chute de l’URSS avait donné l’occasion aux Etats-Unis de mettre en place un «nouvel ordre mondial» enrobé d’humanisme. L’installation du «nouvel ordre» avait commencé par le démantèlement de la Yougoslavie, le bombardement de la Serbie, le déploiement des forces de l’OTAN en Europe de l’Est et en Asie centrale, suivis de l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak et de leurs centaines de milliers de morts et de destructions massives. Quelle différence entre le «nouvel ordre mondial» prôné par Sarkozy et celui installé par Bush?

Comme le «grand frère américain», s’appuyant sur la résolution 1778 du Conseil de sécurité, adoptée le 25 septembre 2007, la France s’applique à mettre en place un «nouvel ordre mondial» musclé en Afrique. En effet, elle s’est chargée de l’organisation d’une «présence militaire multinationale» à l’Est du Tchad et au Nord du Centrafrique! Mais les pays européens sont réticents à l’idée de mettre des soldats à la disposition de la France dont l’objectif non avoué est de protéger son «pré carré» en Afrique. Au Tchad, «l’armée française est intervenue à plusieurs reprises en 2006 pour bloquer des attaques de rebelles menaçant la capitale, N’Djamena. En Centrafrique, elle a combattu fin 2006 pour reprendre la ville de Birao, tombée aux mains de rebelles armés» (Le Monde du 25/09/07).

Le «nouvel ordre mondial» proposé par Sarkozy ressemble fort à celui de Georges Bush qui n’a pas hésité à demander aux Nation Unies à poursuivre les objectifs de ses fondateurs, à savoir: «libérer les peuples de la tyrannie et de la violence». Assurément, pensait-il à ses «exploits libérateurs» irakien et afghan !?

Devant la réticence des pays européens (la Suède, la Pologne, la Belgique, l’Espagne, l’Autriche, la Roumanie et la Grèce) les officiels français ont répété que «la priorité était de soulager les souffrance des civils affectés par la guerre» (LM du 25/09/07). En Afghanistan et en Irak aussi, les Américains ont prétendu mettre fin à la «souffrance» des populations, en répandant la «démocratie». On connaît la suite. Dans un entretien accordé au Monde, le ministre soudanais des affaires étrangères a exprime son inquiétude quant à la présence française à proximité du Darfour où la France dispose déjà de deux bases.

En Afrique centrale, la tension reste très vive. Hormis le Tchad, le Centrafrique et le Darfour (au Soudan), la guerre de guérilla touche un quatrième pays: le Niger, troisième exportateur mondial de minerai d’uranium. Une vaste région, riche en matières premières (pétrole et uranium), indispensables à l’économie occidentale et à l’industrie d’armement. Tous les grands pays industrialisés, avides de matières premières, et fabricants d’armes sont présents: les Etats-Unis, la France, la Russie, la Chine, etc.

Chassé par la porte, le colonialisme d’antan revient collectivement, par la fenêtre «humanitaire» pour installer un «nouvel ordre mondial» qui sent la pourriture!

Sous prétexte de mettre fin à la «souffrance» de la population, c’est le pillage des richesses et la dictature colonialiste, la censure de la presse, la chasse aux démocrates et autres «fouineurs» et «curieux», qui se développent inlassablement. «Un journaliste de RFI est incarcéré à Niamey (…) Un homme d’affaires Touareg, Aboubakeur Karda, est détenu à Niamey (…) pour avoir servi d’intermédiaire dans la libération, contre rançon, d’un ingénieur chinois (…) Un réalisateur indépendant français, François Bergeron, est détenu depuis un mois à la gendarmerie de Niamey» (LM du 06/10/07).

A l’instar des Américains, la France et ses «amis» africains se targuent de former des «gens bien», alors que les opposants ou rebelles constituent des «trafiquants» ou des «bandits». Que représente la rébellion des Touaregs, pour Mamadou Tandja, le président du Niger? «Ce ne sont pas des rebelles mais de vulgaires trafiquants (…) Voilà que ces bandits se proclament «rebelles» et se font appeler «MNJ*»» (LM du 06/10/07).

Ainsi va le monde des colonialistes myopes qui, pour s’imposer dans une région, recourent toujours à un «nouvel ordre mondial» en noir et blanc, composé, d’un côté, de «gens civilisés», seuls sensibles à la «souffrance» de la population (des matières premières) et, de l’autre côté, de «bandits» qui osent défier le «nouvel ordre colonialiste à visage humain».

Après le bourbier irakien, serons-nous témoins d’un bourbier africain? Tous les ingrédients sont déjà prêts.

* Mouvement des Nigériens pour la justice